Murmure

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Par moments, le devoir enlève le droit à l’humanité. De merveilleux noms comme “dame aux mille bras” semblent remplacer le seul cœur qu’on possédait… et si elles soufflaient un peu, et si on admettait qu’elles n’en ont que deux et un cœur à part entière?

On me racontait qu’au temps de nos ancêtres,
L’enfant était un être à chérir et à bénir,
Accueilli comme un cadeau du ciel;
On me convint que fille et garçon sont tous des enfants,
Que seul diffère le sexe,
Mais qu’il détermine leurs tâches.

Je me retrouve face à un monde gagné par la méfiance
Où fille et garçon n’ont pas la même place
Et où le malheur de l’un ne touche pas l’autre;

J’ouvre les yeux sur cette culture,
Où la fille est juste bonne à marier,
Qu’importe si sa tête est vide,
Pourvu que ses mains soient habiles
Pour jouer à la bonne épouse.

Elle vole, cœur confiant, vers cette nouvelle vie,
Pour laquelle elle a trop de théories,
Souvent plus idéalistes que réalistes.

Elle découvre par elle-même ces non-dits
Qui ne se racontent pas à haute voix,
Surtout pas à ces filles nubiles
Qui n’ont que des portraits de femmes parfaites..

Elle se jette dans ce Burundi* avec cette lueur d’espoir
Que le bonheur l’accompagnera tout au long de ce cheminement
Mais se retrouve confrontée à cette réalité
Où ses faiblesses sont peu tolérées
Et où ses forces sont moins vantées.

Son horloge ne compte pas de minutes
Car son temps n’a pas droit d’être limité
Et pourtant son corps réclame répit
Même s’il ne peut le clamer à haute voix.

Toute sa vie elle est au service d’autrui,
Si ce n’est pas pour ses parents, c’est pour ses frères,
Ou alors son mari qui tire du côté opposé de celui des enfants
Au risque de lui arracher ses membres.

Entre le bonheur de les avoir
Et les larmes qu’ils font couler
Se trouve la force à consacrer
Car elle ne doit jamais faiblir,
Non, ce droit ne lui appartient pas.

On lui refuse sa nature humaine
Pour la déclarer superwoman,
Ainsi ses mains n’auront plus d’excuses
Que de se multiplier en mille
Et son sommeil ne sera conditionné
Que par cette progéniture qui la manipule à sa guise.

Ce n’est pas une plainte, ô que non!
Ce n’est qu’un murmure
Pour effleurer cette partie obscure
Que cache cette extraordinaire face
De toutes ces rayonnantes dames
Qui marchent parfois sur des cicatrices saignantes
Et qui sourient malgré ces plaies ouvertes.

Ish’M

  • Tiré de l’expression en kirundi “Kuja mu Burundi”, signifiant “aller se marier”

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One thought on “Murmure

  1. Tu as su la décrire. Bravo