Mon année

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Une année dont on a bouclé tous les chapitres, mais qui nous revient en vers et en prose… “Mon année” une reprise du précédent poème.

Que le temps est doux et torride. Ce temps qu’est-il ? Est-il ? Il passe et se manifeste par répétitions. Quel monstre délicat ! L’année. Mon année qui est onde. Cette onde qui frémit, qui traîne et vacille. Au fond du ciel, haut perchée sur les berges de mon espoir, elle ne tend point la main. Elle est d’une substance insondable. Incompréhensible.

Mon année vient et s’en va aussi vite qu’elle est venue. Non, ce n’est pas un éclair et elle n’a ni célérité ni référentiel. Elle passe à son rythme. Turbide et déroulée, c’est comme un clair de lune qui éclaire un étang calme. Un soir de vague scélérate… un chant de sirène veillant en supplications lors de longues nuits déroutantes.

Mon année est une ombre. Comme une ombre, elle naît, s’allonge et se raccourcit. C’est une longue silhouette qui me suit à longueur d’années. Veuve de ses aimées résolutions, mon année déambule dans les charivaris de Bujumbura et rêvasse de couchers de soleil sur les bords du Tanganyika. Elle n’a aucun sens des proportions. C’est une entité mathématique qui vit à nos dépends.

Mon année hume les senteurs d’ivoire et la chaleur rasante des plaines de l’Imbo; elle s’y prélasse sans vergogne. Elle s’en fout royalement de nos tumultes et nos angoisses. Elle est hautaine. Elle n’attend jamais et jouit des bienfaits de mère nature, à la rizière de nos sentiments. Sur la plaine, dans la flotte livide comme dans les saveurs champêtres des champs de thé de Teza, mon année danse aux rythmes de Gishora et quand lui vient l’envie, elle s’envole librement tel un oiseau de Rwihinda.

Mon année est juste en justice et justesse. Elle sait s’acquitter de ses gages et nous conduit face à nos destins. « Alea jacta est » dixit elle. Mais charmante qu’elle est, elle ne nous lâche jamais. Fatiguée mais victorieuse, elle est là pour nous célébrer. Nous. Nous sommes nos propres héros, célèbres conquérants qui méritent festivités et célébrations. Et pour nos campagnes à venir, elle tresse les treillis et les desseins des victoires à venir!

Mon année se perd dans le temps. Elle passe de vie à trépas pour que de ses cendres jaillisse une autre. Quel triste sort que de s’achever sous les lampadaires de Paris. Ceux-là sont moches et ne plaisent qu’aux flatteurs, les pires des flatteurs. Triant les soupirs et les imprévus, elle tire sa révérence. Alternant les soulagements et les appréhensions, créant mille et un souvenirs au moindre scénario de plaisir, elle reprend son voyage. Fichtre, quel monstre délicat !

Kibu

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2 thoughts on “Mon année

  1. Love this text!